Avec l’exposition « La Cinquième Saison », organisée conjointement par Paris+ par Art Basel et le musée du Louvre sous le commissariat d’Annabelle Ténèze, le jardin des Tuileries se dévoilera sous un nouveau jour lors de la foire – l’occasion, d’ici là, de révéler quelques œuvres inédites, mais aussi des secrets de ce site historique de la capitale française.

Jean Prouvé et Pierre Jeanneret, F 8X8 BCC Demountable House, 1941. Constructional system Jean Prouvé / Architecte Jean Pierre Jeanneret. Exposée à l'Ambassade de France à Tokyo, 2016. © Galerie Patrick Seguin.
Jean Prouvé et Pierre Jeanneret, F 8X8 BCC Demountable House, 1941. Constructional system Jean Prouvé / Architecte Jean Pierre Jeanneret. Exposée à l'Ambassade de France à Tokyo, 2016. © Galerie Patrick Seguin.

1. La maison ultramoderne de Prouvé et Jeanneret

Et si l’on élisait domicile dans le jardin des Tuileries ? C’est en tout cas ce que propose l’exposition « La Cinquième Saison », qui inclura une habitation culte signée Jean Prouvé et Pierre Jeanneret. En 1942, les esprits ingénieux des deux architectes se sont retrouvés dans la création d’une maison démontable d’une surface de 64 m2, idéale pour accueillir une famille. Par son matériau principal, le bois, sa facilité de construction nécessitant la présence de quatre personnes seulement et son très faible poids, la demeure imaginée au début de la Seconde Guerre mondiale est aujourd’hui encore une prouesse d’innovation et considérée comme une demeure à impact écologique extrêmement faible. Les passant∙e∙s pourront désormais la visiter afin de découvrir comment les innovations du siècle dernier peuvent nourrir celles de demain.

Le Jardin des Tuileries. Photographie d'Aliki Christoforou pour Paris+ par Art Basel.
Le Jardin des Tuileries. Photographie d'Aliki Christoforou pour Paris+ par Art Basel.

2. Un potager inattendu

Fontaines et grands bassins, musée de sculptures à ciel ouvert, terrains de jeu ou encore bancs paisibles sous les arbres… Le jardin des Tuileries dispose de nombreux atouts. Mais seul∙e∙s les plus observateur∙rice∙s y auront remarqué le petit potager sis à quelques pas seulement du musée de l’Orangerie et des quais de Seine, dissimulé par les arbres et délimité par des grillages. Outre la variété de légumes, de fruits et de plantes qui y sont cultivés toute l’année, ce terrain fertile est également un vestige de la riche histoire des Tuileries : pendant la Seconde Guerre mondiale, face aux problèmes de ravitaillement, la capitale avait aménagé toute une partie du jardin en potager pour permettre aux Parisien∙ne∙s de s’approvisionner.

Claudia Comte, Five Marble Leaves (détail), 2023. Avec l'aimable permission de l'artiste et de la Galerie Albarrán Bourdais, Madrid.
Claudia Comte, Five Marble Leaves (détail), 2023. Avec l'aimable permission de l'artiste et de la Galerie Albarrán Bourdais, Madrid.

3. Les petits bateaux du mercredi

C’est une célèbre tradition des Tuileries : tous les mercredis après-midi depuis 150 ans, des personnes de tous âges se réunissent autour du Grand Bassin rond du jardin pour y faire voguer de petits voiliers colorés, loués pour la modique somme de 2 euros – une activité instaurée par la famille Rigolage, en charge du bassin au début du 20e siècle.

À l’occasion de « La Cinquième Saison », ces navires miniatures sillonneront exceptionnellement le bassin autour d’une installation de l’artiste suisse Claudia Comte : cinq grandes feuilles d’arbre taillées dans du marbre, dans le style pop et enfantin qui a fait sa notoriété, symbole de la rencontre entre les mondes végétal, minéral et aquatique.

Zanele Muholi, Muholi V, 2023. Avec l'aimable permission de la Galerie Carole Kvasnevski, Paris & Muholi International Productions. © Zanele Muholi. Photographie de Hayden Phipps.
Zanele Muholi, Muholi V, 2023. Avec l'aimable permission de la Galerie Carole Kvasnevski, Paris & Muholi International Productions. © Zanele Muholi. Photographie de Hayden Phipps.

4. Les femmes telluriques de Zanele Muholi

On connaît déjà Zanele Muholi pour ses autoportraits photographiques, mais on s’étonnera de découvrir, cet automne, ses récents talents de sculpteur∙rice explorés pendant le confinement. Installées sans socles sur l’herbe du jardin, quatre de ses femmes coulées dans le bronze noir incarnent la fusion entre l’humain et la nature. Au sommet de son crâne, l’une fait couler une fontaine, tandis que son buste semble émerger de la terre où l’on devine ses jambes encore ancrées, pendant que la deuxième apparaît couchée au sol et qu’une troisième est accroupie, entourée d’une corde. Très sensible aux violences sexistes, l’artiste sud-africain∙e rappelle, avec cette dernière, les scènes d’enlèvement immortalisées par plusieurs sculptures historiques du jardin et appelant à l’émancipation des femmes.

General Idea, AIDS Sculpture, 1989/2023. Vue de l'exposition : D & S Ausstellung/The Hamburg Project, Kunstverein Hamburg and Kulturbehörde Hamburg, Hamburg, 1989.  Photo ©️  Estate of General Idea. Avec l’aimable autorisation de la succession de l’artiste et de Mai 36 Galerie, Zurich; Maureen Paley, Londres ; Mitchell-Innes & Nash, New York et Esther Schipper, Berlin, Paris et Seoul.
General Idea, AIDS Sculpture, 1989/2023. Vue de l'exposition : D & S Ausstellung/The Hamburg Project, Kunstverein Hamburg and Kulturbehörde Hamburg, Hamburg, 1989. Photo ©️ Estate of General Idea. Avec l’aimable autorisation de la succession de l’artiste et de Mai 36 Galerie, Zurich; Maureen Paley, Londres ; Mitchell-Innes & Nash, New York et Esther Schipper, Berlin, Paris et Seoul.

5. L’œuvre AIDS de General Idea

En marchant dans les allées du jardin des Tuileries lors de « La Cinquième Saison », on découvrira un monument spécial : une sculpture en métal argenté formant le mot « AIDS », nom anglais du sida, qui a fait des ravages le monde entier dès le début des années 1980. La sculpture se trouve désormais couverte d’inscriptions en tous genres, auxquelles les visiteur∙euse∙s pourront ajouter la leur afin d’y laisser une trace. Derrière cette œuvre, on trouve le collectif General Idea – formé par les artistes et activistes canadiens Jorge Zontal, AA Bronson, and Felix Partz – qui, jusqu’à la moitié des années 1990, ont rendu hommage aux victimes de cette pandémie. La sculpture dialoguera avec une grande pierre gravée d’un poème de l’artiste américain John Giorno, offrant aux visiteur∙euse∙s deux manières de fixer la mémoire des communautés oubliées et marginalisées.

Romina De Novellis, Arachne, performance de Galatina à Punta Ristola. Crédits : De Novellis/Bordin, 2018. Avec l'aimable autorisation de la Galerie Alberta Pane, Paris, et Ramdom.
Romina De Novellis, Arachne, performance de Galatina à Punta Ristola. Crédits : De Novellis/Bordin, 2018. Avec l'aimable autorisation de la Galerie Alberta Pane, Paris, et Ramdom.

6. Kiosque et performances de Romina De Novellis

Démocratisés au 19e siècle, les kiosques à musique ont fait le bonheur des villes européennes, qui en ont édifiés en nombre dans les espaces publics, des parcs aux places. Si le jardin des Tuileries ne possède pas encore le sien, Romina De Novellis palliera ce manque lors de l’exposition automnale : invitée à réaliser une œuvre pour l’occasion, l’artiste italienne installera son propre kiosque pour s’y produire chaque jour pendant plusieurs heures, dans une création mêlant danse et musique – un moment qui fera date en devenant la première performance artistique de l’histoire du jardin des Tuileries.


Sous le commissariat d’Annabelle Ténèze, « La cinquième saison » sera présentée au jardin des Tuileries - Domaine National du Louvre. Plus d’informations sont disponibles ici

Journaliste et critique d’art, Matthieu Jacquet écrit sur l’art et la mode pour Numéro et Numéro art.

Publié le 6 Septembre 2023.

Légende de l'image en pleine page : photographie d'Aliki Christoforou pour Art Basel.

Recommandé :