Jusqu’à fin août, la Fondation Louis Vuitton ouvre l’intégralité de ses 11 galeries à une icône : David Hockney. L’artiste britannique, né en 1937, y déploie sa plus grande rétrospective à ce jour, qui succède en France à celle qu’accueillait le Centre Pompidou en 2017. « David Hockney 25 » présente toute l’ampleur de recherches picturales aussi facétieuses qu’érudites, à travers un ensemble de 400 œuvres réalisées entre 1955 et 2025. L’occasion de revenir sur quelques aspects moins connus de sa carrière.
Sa réinvention de la perspective le conduit jusqu’en Chine
Pour David Hockney, la perspective linéaire de la Renaissance est trop rigide. Toute sa vie, l’artiste a cherché à s’en affranchir pour mieux traduire les sensations d’un·e regardeur·euse en mouvement. C’est au début des années 1980 qu’il développe son principe de « perspective inversée », après avoir découvert la perspective asymétrique chinoise. Il entreprend alors un périple à travers le pays sur les traces d’un mystérieux rouleau du 18e siècle, qui lui inspire le documentaire A Day on the Grand Canal with the Emperor of China or Surface is illusion but so is depth (1988).
Sa technophilie remonte aux années 1980
David Hockney se renouvelle en permanence, ainsi qu’en témoignent ses « portraits de fleurs » réalisés à l’iPad dès 2011. On le sait moins, mais l’artiste avait déjà expérimenté auparavant avec le fax (1989), l’ordinateur (1990) ou la palette graphique (2008). L’événement déclencheur remonte à l’exposition de photographies « From Today Painting is Dead » au Victoria and Albert Museum (V&A) à Londres, en 1972. Dès lors, David Hockney va s’employer à démontrer l’inverse : l’usage novateur des nouvelles technologies prouve au contraire la vivacité de la peinture.
Il aime autant le Polaroid que Picasso
David Hockney découvre le Polaroid au début des années 1980. L’artiste, marqué par sa rencontre avec l’œuvre de Pablo Picasso alors qu’il était étudiant, perçoit immédiatement une résonnance avec le cubisme. Il se met alors à réaliser ses « joiners », des collages assemblés à partir de plusieurs prises de vue d’un même sujet. Pearblossom Highway (1986), mosaïque d’une route aride du désert californien réalisée à partir de plus de 700 photographies, est la dernière œuvre de cette période, et peut-être la plus emblématique.
L’opéra lui permet de sortir de ses impasses picturales
La passion de David Hockney pour l’opéra jalonne toute sa carrière. Dès ses débuts, le polymathe réalise des décors et des costumes qu’il qualifie de « peintures sur la scène », notamment pour Ubu roi d’Alfred Jarry (en 1966), The Rake’s Progress d’Igor Stravinsky (en 1975) ou La Flûte enchantée de Mozart (en 1978). Ces réalisations sont aussi pour lui une manière de renouveler son vocabulaire pictural lorsqu’il traverse des moments de crise. À la Fondation Louis Vuitton, l’artiste a souhaité y consacrer la galerie 10.
Ses piscines célèbrent la joie homoérotique
En 1963, David Hockney s’envole pour la première fois vers Los Angeles. Depuis l’avion, il observe les étendues d’eau turquoise zébrées d’éclats de lumière. L’un de ses thèmes favoris était né. Il peint Picture of a Hollywood Swiming Pool (1964), Peter Getting Out of Nick’s Pool, The Splash et A Little Splash (1966), puis A Bigger Splash (1967). Il s’agit d’un défi pictural, mais également de la célébration du loisir homoérotique, alors que l’homosexualité ne sera dépénalisée qu’en 1967 dans son Angleterre natale.
Il a redonné ses lettres de noblesse au double portrait
Les portrait de David Hockney font partie de ses œuvres les plus connues. La Fondation Louis Vuitton en présente une cinquantaine, déployant une galerie intime d’ami·e·s et de proches. Hockney affectionne particulièrement le genre du double portrait – une tradition illustrée dans l’histoire de l’art par des tableaux comme Les Époux Arnolfini de Jan van Eyck (1434), Mr and Mrs Andrews de Thomas Gainsborough (1750) ou La Carrière d’un libertin (A Rake’s Progress) de William Hogarth (1732-1734). Le genre reste néanmoins peu fréquent à l’époque contemporaine jusqu’à ce que l’artiste s’en empare. Il en tirera notamment Mr and Mrs Clark and Percy (1970-1971), une ode vibrante au milieu de la mode londonienne.
Il a passé le confinement en Normandie
David Hockney est souvent associé à Londres ou à la Californie. Or, l’artiste aura aussi été normand, puisqu’il élit domicile dans le pays d’Auge de 2019 à 2023. C’est là, entouré de champs verdoyants, qu’il réalise la série de paysages 220 for 2020 (2020). Tous les jours, Hockney illustre à l’iPad le changement des saisons. Alors que le monde entier se renferme durant la crise sanitaire, lui en tire un message d’espoir : « Do remember they can’t cancel the spring » (« Souvenez-vous bien que personne ne peut annuler le printemps ») – une phrase déployée en néon sur la façade de la Fondation Louis Vuitton pendant toute la durée de l’exposition.
« David Hockney 25 »
Jusqu'au 31 aout 2025
Fondation Louis Vuitton, Paris
David Hockney est représenté par les galeries Annely Juda Fine Art à Londres, Gray à Chicago, Galerie LeLong à Paris, L.A. Louver à Venice et Pace Gallery à New York.
Ingrid Luquet-Gad est une critique d’art et une doctorante basée à Paris. Elle enseigne la philosophie de l’art à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Légende de l’image d’en-tête : Vue de l'installation de Bigger Trees near Warter or ou Peinture sur le Motif pour le Nouvel Âge Post-Photographique(2007) de David Hockney, dans l'exposition « David Hockney 25 » à la Fondation Louis Vuitton, Paris, 2025.Photographie de Prudence Cuming Associates Tate, Royaume-Uni. Avec l’aimable autorisation de l’artiste. © David Hockney.
Publié le 14 juillet 2025.