Xiyadie
Blindspot Gallery (Hong Kong)
Xiyadie, né en 1963 en Chine, mène tout d’abord la vie que l’on attend de lui : il se marie, devient père et gagne sa vie comme agriculteur. Pendant ces années, l’art du papier découpé est son refuge, et l’artiste en devenir y raconte son homosexualité réprimée. La maîtrise de cette technique traditionnelle lui a été transmise par sa mère, issue comme lui de la région de Shaanxi, réputée pour cet artisanat. En 2010, il migre à Beijing, où ses scènes métaphoriques rehaussées de pigments sont exposées pour la première fois. Une décennie plus tard, le monde occidental découvre ses œuvres bucoliques et flamboyantes à la 60e Biennale d’art de Venise. Blindspot Gallery présente dans le secteur Emergence un ensemble inédit d’œuvres, représentant des amants en parfaite harmonie.
Siyi Li
Cibrián (San Sebastián, Espagne)
Deux jeunes femmes sillonnent la métropole tentaculaire de Shanghai. Leur destination est inconnue, et le trajet semble se dérouler à l’infini. Dans le huis-clos d’une voiture électrique, leurs relations prennent peu à peu le dessus. La nouvelle vidéo New Energy (2025) de Siyi Li, né en 1999, met en scène cinq pièces comiques ultra contemporaines. Le jeune artiste chinois adopte ici le vocabulaire fluide d’une époque où l’image circule entre les formats du cinéma, de la publicité et de la mode. L’œuvre, présentée par la galerie espagnole Cibrián, traduit un sentiment évanescent et grisant de mobilité à une époque où tout s’accélère.
Mira Mann
Drei (Cologne)
Entre 1966 et 1973, l’Allemagne de l’Est a accueilli près de 10 000 jeunes femmes coréennes recrutées pour pallier le manque d’infirmières. Mira Mann, née en 1993 et basée entre Düsseldorf et Paris, a recueilli le témoignage de certaines d’entre elles – y compris sa propre tante. Cela lui a inspiré l’installation Objects of the Wind (2024), initialement présentée à la 15e Biennale de Gwangju. Drei en présente une version légèrement réduite. Un long miroir de maquillage serti de lumières clignotantes est gravé de références aux natures mortes coréennes du 19e siècle, et accueille divers objets du quotidien qui racontent des histoires sans les mots. L’artiste dresse un monument vernaculaire à ces jeunes travailleuses immigrées, empreint de mémoires enfouies et de rébellions en germe.
Ethan Assouline
Gauli Zitter (Bruxelles)
Le stand de la galerie bruxelloise Gauli Zitter, fondée en 2023, est semblable à une promenade urbaine. L’artiste français Ethan Assouline, né en 1994, l’a investi avec différentes compositions caractéristiques de sa pratique. La proposition-exposition dissociation variations expose plusieurs œuvres composées à partir d’objets trouvés, parfois peintes et souvent agrémentées de banderoles imprimées de poèmes de l’artiste. Celui-ci, inspiré par les interstices de la ville néolibérale, décline ses errances poétiques et inquiètes selon deux motifs principaux : l’horloge, qui scande le temps mesuré, et la spirale, qui s’engouffre dans les mille vies intérieures de chacun·e d’entre nous.
Kandis Williams
Heidi (Berlin)
Kandis Williams est artiste, écrivaine, éditrice et dramaturge. Dans sa pratique polymorphe, l’artiste, née en 1985 et basée entre New York et Berlin, recompose les traces de récits effacés à la manière d’un cadavre exquis. Récemment, elle est partie en Corée du Sud investiguer la présence historique effacée des soldat·e·s afro-américain·e·s. Complexe et transnationale, cette histoire confronte les archétypes de l’impérialisme américain à l’identité racisée niée du service militaire. Kandis Williams effectue alors un travail d’une érudition hallucinatoire à partir de matériaux glanés dans la pop culture – le cinéma, la presse et divers carnets de notes. La galerie berlinoise Heidi présente ses collages grands formats, ainsi qu’un carnet de voyage vidéo, construisant des panoramas à la fois historiques et horrifiques habités d’effigies mutantes.
Kanitha Tith
ROH (Jakarta)
L’artiste cambodgienne Kanitha Tith s’est fait connaître par ses sculptures en fil de fer torsadé. Leur présence cinétique qui s’élance dans les airs séduit d’emblée. Dans un second temps cependant, ce processus laborieux et chronophage révèle une relation plus retorse au temps, à la mémoire et à la reconstruction. L’artiste née en 1987 traduit par ce geste les non-dits et le traumatisme intergénérationnel laissés dans son pays par le génocide des Khmer rouges dans les années 1970. ROH présente les sculptures caractéristiques de l’artiste, accompagnées de dessins et d’aquarelles qui expriment la transformation permanente.
Tanoa Sasraku
Vardaxoglou Gallery (London)
La sculpture monumentale Mascot (2025) se dresse dans l’espace comme un monolithe. Un épais cadre de bois enserre une silhouette centrale de textile frangé aux tons terreux et minéraux. Tanoa Sasraku, jeune artiste anglaise née en 1995, a pensé cet hybride comme un reliquaire à ses racines. L’hommage à son père décédé, créateur de mode d’origine ghanéenne, s’entremêle ainsi aux paysages anglais qui l’ont vu grandir, composant autant de strates mémorielles que de sédimentations fossiles. Il s’agit de l’ultime œuvre de la série des « Terratypes », pour laquelle l’artiste est partie recueillir le pigment millénaire dans les sols des Cornouailles, des montagnes de Dartmoor, de la Côte jurassique ou des régions minières du Ghana. L’œuvre présentée à Paris par la galerie Vardaxoglou résonne avec l’exposition personnelle de l’artiste à l’Institute of Contemporary Art (ICA) de Londres qui ouvre ce même mois.
Nefeli Papadimouli
THE PILL (Istanbul, Paris)
Chez Nefeli Papadimouli, rien n’est figé car tout s’adapte au corps individuel et collectif. Le statut des œuvres de l’artiste grecque née en 1988 et installée à Paris oscille entre la sculpture, le tableau, le costume, l’architecture et l’installation. Sur le stand de la galerie stambouliote THE PILL, Nefeli Papadimouli présente un ensemble de trois sculptures potentiellement activables, ainsi que des dessins et des photographies de performances. Idiopolis (2024), nouvelle œuvre emblématique de la pratique de l’artiste, prend la forme d’une longue sculpture murale de divers textiles teints. Ceux-ci sont rythmés de quatre combinaisons qui sommeillent au mur comme autant de peaux en état de veille.
Art Basel Paris se tiendra du 24 au 26 octobre 2025 au Grand Palais. Découvrez ici les galeries participantes du secteur Emergence.
Ingrid Luquet-Gad est une critique d’art et une doctorante basée à Paris. Elle enseigne la philosophie de l’art à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
Légende de l’image principale : Nefeli Papadimouli, Skinscapes, 2022. Avec l'aimable autorisation de l'artiste et de T H E P I L L ®.
Publié le 9 octobre 2025.