Joyau de la Riviera, Monte Carlo a toujours entretenu des liens étroits avec la création contemporaine. « Il y a une tradition de terre d’accueil pour les artistes, que la Principauté a initiée dès la création de la Société des Bains de Mer à la fin du 19e siècle », explique Björn Dahlström, directeur du Nouveau Musée National de Monaco. Cette tradition ne relève pas seulement du patrimoine : elle se perpétue. Observant la vitalité croissante de la scène artistique sur le Rocher – mise en lumière par Monaco Art Week, qui s’ouvre aujourd’hui – la galeriste Almine Rech y a ouvert une antenne en 2024. Elle explique : « Il y a un réel dynamisme, qui s’est accentué, porté par la volonté des institutions locales de renforcer leur programmation. Il y a aussi un désir d’ancrer davantage Monaco dans le paysage culturel mondial. La foire Art Monte-Carlo participe aussi à cette dynamique, en attirant chaque année un public d’amateur·rice·s. »

Initiée en 2016 par Palexpo (Art Genève), Art Monte-Carlo fête cette année sa 9e édition du 7 au 9 juillet, au sein des nouveaux espaces du Forum Grimaldi. Elle accueille pendant trois jours 21 galeries de renommée internationale, dont la Galleria Continua, Mennour et Waddington Custot. La foire a contribué à favoriser l’implantation de grandes enseignes de l’art contemporain en Principauté ces dernières années – Almine Rech, et avant elle Hauser & Wirth, installée depuis 2021.

Le terreau est favorable, avec de plus en plus de collectionneur·euse·s internationaux·ales qui passent au moins une partie de l’année dans la région. « Contrairement à des destinations comme Gstaad ou Saint-Moritz, l’activité économique à Monaco ne connaît pas de saisonnalité marquée, » explique Simon de Pury – commissaire-priseur, collectionneur et marchand – installé à Monaco depuis 2019. « La densité de grand·e·s collectionneur·euse·s résidant en principauté ne trouve peut-être d’équivalent qu’à Manhattan ou en Suisse. Des manifestations comme Art Monte-Carlo et Monaco Art Week s’efforcent de fidéliser ce public d’exception. »

Les ouvertures de galeries continuent. Présent à Monaco depuis 2017, Fabrizio Moretti, spécialiste d’art toscan et de peinture ancienne, s’apprête à ouvrir un nouvel espace rue des Moulins, non loin de l’antenne monégasque d’Artcurial, de la galerie Opera, et de la Galerie Retelet, installée depuis 2018. Un certain nombre de galeries galeries d’art moderne et contemporain se concentrent ainsi aujourd’hui dans un périmètre restreint, au milieu des enseignes de luxe et des banques privées, et d’autres pourraient bien se laisser convaincre. « Avec l’arrivée récente de plusieurs grandes fortunes en provenance de Londres, on s’attend à voir encore plus de galeries de premier plan s’installer, » confie Simon de Pury.

Monaco bénéficie d’un tissu institutionnel particulièrement riche. La Villa Sauber – créée en 1972 pour abriter la collection de poupées et d’automates de Madeleine de Galéa – a été léguée par son petit-fils Christian de Galéa au Prince Rainier III. En 2008, elle est rebaptisée Nouveau Musée National de Monaco (NMNM), et s’agrandit de la Villa Paloma. L’arrivée de Marie-Claude Beaud en 2009  – décédée en 2024 – a donné au musée une orientation profondément tournée vers la création contemporaine, tout en faisant des artistes des acteur·rice·s à part entière du projet muséal.

Les grands noms (Richard Artschwager, Thomas Demand, Duane Hanson, Mike Nelson, Tom Wesselmann, Ettore Spalletti…) se succèdent à la Villa Paloma et à la Villa Sauber, tous invités par Marie-Claude Beaud. Sous son impulsion, Monaco devient un des lieux incontournables de la Riviera pour l’art contemporain.

Björn Dahlström, nommé en 2021, poursuit au sein du NMNM l’œuvre engagée par sa prédécesseure. Il explique : « Le NMNM a une identité bien définie : c’est un musée qui fait dialoguer l’art moderne et contemporain avec le patrimoine, dans une logique de résonance et de décalage stimulant, avec la complicité des artistes vivants. »

Le NMNM offre aussi l’occasion de célébrer des affinités institutionnelles. La Villa Sauber vient d’inaugurer une exposition consacrée au cactus, confiée au botaniste Marc Jeanson (Muséum national d’Histoire naturelle) et à Laurent Le Bon, président du Centre Pompidou – institution qui fermera ses portes à l’automne 2025 pour entamer une rénovation prévue jusqu’en 2030. Didier Ottinger, conservateur et directeur adjoint du Centre Pompidou déploiera quant à lui cet été une relecture de la peinture moderne sous le prisme de la couleur au Forum Grimaldi.

Au-delà de ses galeries, musées et collectionneur·euse·s, Monaco s’affirme également comme un lieu de vie et de création pour les artistes. Pendant la deuxième moitié du 20e siècle, Francis Bacon, Jean-Michel Folon, et Helmut Newton ont tous laissé leur marque sur la Principauté. Aujourd’hui, confie Simon de Pury, on peut y croiser George Condo, Minjung Kim, parfois même Mark Bradford ou Francesco Vezzoli, lorsqu’ils préparent une exposition.

Le programme de résidences internationales les Ateliers du Quai joue aussi un rôle majeur. « Ce sont des séjours de trois à six mois, durant lesquels les artistes, à l’image de Laetitia Ky, artiste ivoirienne en résidence actuellement, peuvent se frotter à l’écosystème singulier du pays, » explique Björn Dahlström. « Il y a aussi des artistes installé·e·s durablement, comme Wim Delvoye, qui participent à la vie culturelle locale. »

La Direction des Affaires Culturelles, organisation qui chapeaute les institutions gouvernementales monégasques sous l’égide de Françoise Gamerdinger, développe aussi un programme de résidences dédié aux ancien·ne·s étudiant·e·s du Pavillon Bosio – l’école d’art de la Principauté – et à des artistes internationaux·ales. Luciano Chessa, compositeur italien, fait partie des résidents récents. C’est dans ce cadre qu’il a conçu la performance inspirée par le Grand Prix de Formule 1, intitulée Monaco Veloce, qu’il a jouée l’année dernière au Théâtre Princesse Grace, pendant la foire Art Monte-Carlo.

Pour ce qui est de la vie culturelle locale, les collectionneur·euse·s ne sont pas en reste. En 2014, Majid Boustany, crée la Francis Bacon MB Art Foundation. Il y conserve notamment le plus grand fonds de mobilier de l’artiste, conçu à Londres dans les années 1930, quelques années avant qu’il ne se consacre exclusivement à la peinture.

Au fil des années, les inaugurations se sont multipliées. En 2019, la collectionneuse Silvia Fiorucci crée par exemple la Società delle Api dans l’ancien atelier de Folon, quai Antoine-1er. Elle y invite des commissaires d’exposition et des étudiant·e·s du Pavillon Bosio à présenter sa collection dans des formats souvent assez singuliers. À partir du 4 juillet, la Società delle Api accueille l’exposition de Louise Sartor « De haut en bas & back again », proposée par la commissaire indépendante Oriane Durand.

Monaco continue de se transformer, elle aussi, de haut en bas. Bientôt, ce sera la Villa Sauber qui sera l’objet d’une transformation ambitieuse. Le directeur du NMNM Björn Dahlström présente les enjeux de ce projet : « Le chantier débutera en janvier prochain et durera environ trois ans. Confié à l’architecte Renzo Piano, il vise à offrir un équipement muséal d’excellence, à la hauteur des ambitions du NMNM. Il s’agira non seulement d’optimiser les espaces d’exposition, mais aussi de mieux répondre à nos missions éducatives, scientifiques et de conservation. Nous aurons l’occasion d’en dévoiler les détails très prochainement. » Fidèle à sa tradition de terre d’accueil, la Principauté regarde résolument vers l’avenir.

Légendes et crédits

Élodie Antoine est une journaliste basée à Nice.

Légende de l'image d'en-tête : Monte Carlo. Photographie de Berat Nalci pour Art Basel.

Publié le 7 juillet 2025.