Amedeo Modigliani
Jeune fille aux macarons [Young Woman with Hair in Side Buns], 1918
Présentée par Pace Gallery (New York, Los Angeles, Berlin, Genève, Londres, Hong Kong, Séoul, Tokyo)
Confronté à la triple menace des poches vides, de la tuberculose et des nuits parisiennes imbibées d’alcool, le peintre italien Amedeo Modigliani (1884-1920) s’installe dans le Sud de la France en 1918, avec l’espoir que la douceur du climat et l’air iodé apaisent sa santé fragile. Avec sa compagne et leur fille tout juste née, Modigliani se retrouve loin de son cercle d’artistes fêtard∙e∙s. Il se tourne alors vers les jeunes vendeuses, les domestiques et les enfants du voisinage, peignant une série de portraits empreints d’une grande sérénité. La rare toile Jeune fille aux macarons porte la signature de l’artiste, reconnaissable entre toutes : un long cou, des yeux en amande et un visage calme, méditatif.
Senga Nengudi
Reverie – Stale Mate, 2014
Présentée par Sprüth Magers (Berlin, Londres, Los Angeles, New York)
À la fin des années 1970, confrontée aux transformations physiques provoquées par la grossesse, l’artiste américaine Senga Nengudi initie une nouvelle série de sculptures, pour lesquelles elle trouve son matériau idéal : le collant en nylon – souple, élastique, parfois mou… en résumé, très proche de la peau. Dans les œuvres de cette série désormais emblématique, « R.S.V.P. », des collants rembourrés, noués, entortillés et étirés entre des murs évoquent des corps en tension ou en convalescence. Le titre, abréviation de « Répondez s’il vous plaît », fait référence à des performances au cours desquelles des danseur∙euse∙s interagissent avec les sculptures. Dans Reverie – Stale Mate, un bassin en nylon rembourré est suspendu au mur, les jambes inertes ballotant dans le vide.
Gino Severini
Danzatrice [Dancer], 1915–1916
Présentée par Landau Fine Art (Montréal, Meggen)
En 1910, le peintre italien Gino Severini (1883-1966) signe à Paris deux manifestes futuristes, proclamant ainsi son adhésion au mouvement qui célébrait la vitesse, la lumière et les symboles mécaniques de la modernité. Mais tandis que ses pairs peignaient bolides et usines, Severini s’intéressait davantage à la figure humaine, surtout lorsque celle-ci s’animait. Dans cet éblouissant tableau, la danseuse se fragmente en plans lumineux et irradiants. Cette œuvre dynamique marque un tournant pour l’artiste, qui délaisse la fougue du futurisme pour une esthétique plus structurée, inspirée du cubisme – une évolution qu’il décrivait comme allant « du chaos vers l’ordre ».
Ewa Juszkiewicz
Gloriosa, 2025
Présentée par Almine Rech (Paris, Bruxelles, New York, Shanghai, Monaco, Gstaad)
Si la raison d’être du portrait se résume à représenter un visage, Ewa Juszkiewicz prend un plaisir évident à s’en détourner. Connue pour ses réinterprétations espiègles des portraits des 18ᵉ et 19ᵉ siècles, l’artiste polonaise dissimule les traits de ses modèles féminins sous des drapés, des coquillages, une cascade de cheveux ou de luxuriantes compositions végétales. Son style empruntant au langage des maîtres anciens met en lumière les conventions figées qui régissaient la représentation des femmes dans l’art. Dans cette œuvre, un somptueux bouquet engloutit la tête du modèle, effaçant toute identité.
Gerhard Richter
Wolken (blau) [Clouds (blue)],
2025
Présentée par David Zwirner (New York, Los Angeles, Hong Kong, Londres, Paris)
Gerhard Richter, pourrait-on dire, a littéralement la tête dans les nuages depuis plus de 50 ans. Au début des années 1970, cherchant de nouvelles sources d’inspiration, l’artiste allemand se plonge dans son Atlas – un vaste ensemble de photographies, coupures de presse et autres croquis – et en extrait des images de ciels changeants. Les peintures qui en résultent, de grands triptyques à l’huile, dépeignent des nuées baignées d’une lumière douce, avec une précision quasi photographique. Wolken (blau) revisite l’un de ces motifs sous la forme d’un tirage chromogène en trois panneaux, poursuivant ainsi l’exploration de Richter sur la notion d’œuvre multiple.
Félix González-Torres
“Untitled” (March 5th) #1, 1991
Présentée par Xavier Hufkens (Bruxelles)
Deux ampoules, deux panneaux publicitaires, deux horloges synchronisées : les paires reviennent sans cesse dans l’œuvre sobre et poétique de Félix González-Torres. Pour l’artiste disparu prématurément (1957-1996), dont la pratique abordait souvent l’amour et la perte, ces formes jumelles suggèrent l’équilibre et la connexion, chaque moitié complétant l’autre. Dans cette œuvre, deux miroirs ronds sont suspendus côte à côte. Félix González-Torres n’a jamais expliqué publiquement la signification des dates figurant dans ses titres, laissant volontairement place à l’interprétation ; il reste que le 5 mars correspond à l’anniversaire de son compagnon, Ross Laycock, mort du sida la même année que la création de l’œuvre.
Agnes Martin
Children Playing, 1999
Présentée par Pace Gallery (New York, Los Angeles, Berlin, Genève, Londres, Hong Kong, Séoul, Tokyo)
À la fin des années 1990, alors octogénaire, Agnes Martin entame une nouvelle série de toiles reflétant la douceur qu’elle acquiert désormais dans son approche. Depuis son atelier du Nouveau-Mexique, elle assouplit ses lignes et éclaircit sa palette pour explorer des thèmes comme l’enfance, l’imagination et la joie. Chaque toile de cette série, intitulée « Innocent Love », adopte le même format carré de 152,4 x 152,4 cm, et un rythme lent de bandes parallèles aux teintes pâles semblant émettre la lumière plutôt que la refléter. Children Playing s’inscrit dans cette période sereine, avec ses lignes rose et jaune pâle qui traduisent la quiétude des dernières années de l’artiste.
Jean Dubuffet
Cité Fantoche, 1963
Présentée par Landau Fine Art (Montréal, Meggen)
Les gribouillages que l’on fait distraitement alors qu’on est au téléphone méritent parfois que l’on s’y attarde. C’est justement l’un de ces dessins machinalement tracés qui inspira à Jean Dubuffet (1901-1985) un nouveau langage visuel en 1962. Séduit par l’expressivité de ces lignes spontanées, l’artiste français délaisse alors les scènes urbaines denses et texturées de ses débuts pour un style plus dépouillé. Il baptise l’Hourloupe cette écriture graphique définie par des lignes noires sinueuses enfermant des aplats de couleurs électriques, un mot inventé pour évoquer un « monde de merveilles ou un être grotesque ». Bouillonnante d’énergie et peuplée de figures entrelacées, Cité Fantoche demeure l’une des premières manifestations de ce cycle, et l’une des plus accomplies.
Zeng Fanzhi
Lóng Táitóu V, 2024
Présentée par Hauser & Wirth (New York, Los Angeles, Hong Kong, Zurich, Bâle, Saint-Moritz, Gstaad, Londres, Somerset, Paris, Monaco, Minorque)
Les peintures de Zeng Fanzhi ont radicalement évolué depuis la série « Les Masques » des années 1990, où des figures en costume arboraient de larges sourires figés dissimulant leur malaise. Dans les années 2000, l’artiste né à Pékin les délaisse pour révéler les visages, puis renonce à la figuration elle-même. Puisant dans la liberté gestuelle de la peinture à l’encre chinoise, il réalise de vastes toiles expressives où lignes torsadées, coups de pinceau rapides et couleurs effervescentes composent des paysages abstraits. Dans Lóng Táitóu V, la matière picturale, dense et texturée, évoque des branches enneigées. Le titre fait référence à une fête du printemps célébrant le moment où le dragon « relève la tête », annonçant les premiers frémissements du renouveau.
Alexander Calder
Caged Stone on Yellow Stalk, 1953
Présentée par Gladstone Gallery (New York, Bruxelles, Séoul)
Alexander Calder, le saint patron du mobile, aimait comparer le mouvement de ses sculptures à la danse. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le mari de la danseuse américaine Ruth Page lui demanda, dans les années 1930, de concevoir une œuvre grand format pour accompagner sa femme sur scène. Bien que ce projet ne vit jamais le jour, Calder finit par créer cette œuvre, que Ruth Page posséda par la suite. Avec sa tige courbée et ses éléments métalliques délicatement suspendus évoquant une tête et des membres, le mobile témoigne de la fascination immuable de Calder pour toute forme de mouvement.
Elliat Albrecht est une autrice et une rédactrice basée au Canada. Elle est titulaire d'une licence en Critical and Cultural Practices de l'Emily Carr University of Art + Design et d'une maîtrise en Literary and Cultural Studies de l'université de Hong Kong.
Art Basel Paris se tiendra au Grand Palais du 24 au 26 octobre. Découvrez les participant∙e∙s et les informations détaillées ici.
Traduction française : Art Basel.
Légende de l'image d'en-tête : Gino Severini, Danseuse, 1915-1916 (detail). Avec l’aimable autorisation de Landau Fine Art.
Publié le 16 Octobre 2025.


